Drogué au sport
Après quatre heures de footing, 200 pompes et 20 longueurs de piscine, vous en voulez encore ? attention ! si le sport devient une obsession et l'exploit physique une drogue, vous êtes en danger. levez le pied avant l'accident.
Sueurs froides " J'ai toujours aimé courir. Lundi dernier, à l'aube, j'arpentais comme tous les jours et pour la énième fois l'avenue en bas de chez moi, en petites foulées. Ce n'est pas la sueur qui m'aveuglait, mais la pluie fine et glacée des petits matins d'automne. Je ne sentais rien, ni le froid, ni la bruine, ni la fatigue. Ni surtout cette sorte de félicité que j'éprouve d'habitude quand j'ai avalé mon quota de bitume.
J'aurais dû m'arrêter de courir quand mes poumons se sont mis à brûler, mes tempes à cogner. Ou au moins faire une pause quand m'a pris cette impression de "flotter" au-dessus de mon corps. Mais j'ai continué. Il m'en fallait plus. Après, je ne me rappelle de rien. Lorsque j'ai repris connaissance, j'étais allongé sur le trottoir, une poignée de badauds penchés sur moi. "
Éric a un problème : il ne sait pas s'arrêter. Mais à force de vouloir aller toujours plus loin, il risque un beau jour de ne jamais en revenir. Car en matière de forme comme de santé, tout est affaire de modération. En vertu du French paradox, les médecins n'hésitent plus à nous recommander de boire un verre de vin par repas pour renforcer nos artères. En revanche, finissez la bouteille et c'est le foie qui trinque. Le sport n'échappe pas à la règle : trop c'est trop.
Si tous les médecins prônent une activité physique régulière pour rester en forme, gardons-nous donc d'en déduire qu'un marathon hebdomadaire peut nous faire retrouver nos 20 ans. Pourquoi certains d'entre nous en font-ils toujours trop ? Comment l'activité physique peut-elle devenir une obsession ? Pourquoi en arrive-t-on à ces extrêmités et, surtout, peut-on l'éviter ? Nos experts ont décrypté six cas d'école.
Vous êtes complexé. Petit, mou, fragile. Un homme peut avoir de bonnes raisons pour changer d'apparence. " Ce désir de compenser un défaut physique se rencontre souvent chez les adolescents, explique Lydie Raisin, professeur de culture physique et auteur de Stretching facile (1). Ils se lancent généralement dans la pratique intensive de la musculation afin de retrouver confiance en eux, mais aussi dans le but (beaucoup moins avoué) de plaire aux filles. "
À vouloir trop plaire, on finit par se couper totalement des autres
Souvent positif, ce désir de se prendre en main et de changer le cours de son destin peut aussi devenir un piège, en particulier chez les culturistes. " En devenant physiquement différents des autres, poursuit-elle, et en adoptant un régime alimentaire très spécifique - mais peut-on parler de régime lorsqu'on se nourrit de poudres ? -, ils finissent en général par se couper des autres et par vivre exclusivement entre culturistes, " poursuit Lydie Raisin. Alors que, paradoxalement, le sport constituait au départ, pour eux, un moyen de s'intégrer au groupe. " Cette attitude n'est pas seulement dangereuse, elle est aussi absurde, explique notre coach. Les femmes n'aiment pas vraiment les montagnes de muscles. Elles craquent plutôt sur des hommes minces à la musculature fine. " No comment.
Vous êtes un perfectionniste. Être bon ne vous suffit pas, vous voulez être au top. " À trop s'entraîner, explique Jean-Claude Chanussot, kinésithérapeute, coauteur de Rééducation en traumatologie du sport (2), on risque de voir ses résultats régresser. " Ce paradoxe tient à trois facteurs. D'abord, le ras-le-bol s'installant, on est moins motivé. De plus, les muscles, noyés sous les déchets métaboliques qu'ils n'ont pas le temps d'évacuer, ne fournissent plus le meilleur d'eux-mêmes. Enfin, les commandes nerveuses s'émoussent sous une masse d'informations qu'elles ne parviennent plus à gérer. Résultat ? Le surentraînement peut conduire à de sérieux désordres physiologiques, " notamment à une baisse des globules rouges et à une augmentation des globules blancs ", précise Jean-Claude Chanussot. Ces problèmes se traduisent par un coup de pompe persistant, une baisse de moral et, généralement, un dégoût pour le sport que l'on pratique. Un comble ! D'autant que, dans ce cas, il est déconseillé de s'arrêter brutalement. Le mieux est de changer d'activité (faire de la natation ou du footing, si l'on s'entraîne en salle) en veillant à modérer son effort. Il faudra au minimum une semaine de repos relatif, parfois jusqu'à un mois, selon sa constitution et son état de fatigue. Dans tous les cas, l'entraînement ne doit pas redémarrer avant que l'envie revienne.
Par Greg Gutfeld et Fabrice Pereira