PETITE BIBLIOTHEQUE CULTURISTE
Pour ceux qui cherchent des livres ayant pour cadre le body ou pour personnages des culturistes, je propose quelques titres particulièrement intéressants, et parfois spectaculaires. Il ne s’agit pas de “revue de presse” de magazines, mais bien de “bouquins”; évidemment, on ne les trouve pas forcément en tête de gondole chez Leclerc, mais les références de l’éditeur sont précisées. Ainsi qu’un petit résumé et commentaire. Qu’en pensez-vous?
“BODY”
de Harry Crews (collection Nrf chez Gallimard)
Roman traduit de l’américain par Philippe Rouard.
le sujet: Une jeune fille du fin fond de la Géorgie, mal dans sa peau et affublée d’une famille de (réels) demeurés, devient, grâce à un coach redoutable, la nouvelle “Madame Univers” (suivez mon regard). Elle découvre la douleur de l’entrainement, la rivalité des coulisses, les rumeurs, la gloire, le sexe et l’horreur, le rire et la colère, dans un milieu fou, fou, fou...
mon avis: Un “must” absolu, si vous aimez la provoc, car, attention: ouvrage vénéneux: Les amateurs de coulisses de Championnats du Monde féminin seront comblés, à condition de supporter un récit parfois taillé au scalpel acide; il s’agit d’une fable tragi-comique qu’il faut prendre au second degré (parfois plus). Coups bas, ambiances de vestiaires, public de concours surchauffé, voilà un roman sur l’obsession de l’entrainement, de la masse, sur le désir maladif de gagner, “c’est une exploration décapante et hilarante d’un univers parallèle où règne une unique obsession : le corps”. Sportifs susceptibles d’abstenir...
“LES MUSCLES”
de Patrice Robin (éditions P.O.L)
le sujet: “Les bras de son père; les épaules du père de son père; les pectoraux de Charlton Heston dans “Ben Hur”, moulés dans la cuirasse; les cuisses de la Grande Catherine; les fessiers de Clara; des dorsaux pour grandir; des abdos pour ne pas mourir, et son coeur de fils”. Tel est le résumé (par l’auteur) de cette histoire à la fois physique et spirituelle. Un jeune homme, encore frappé par des souvenirs d’ambiances viriles et d’émois féminins, se lance dans un programme d’entrainement qui débouchera non seulement sur une transformation corporelle mais aussi sur une évolution psychologique.
mon avis: Dans un style concis, l’auteur raconte ces traumatismes qui ne disent pas leur nom, et qui remontent à l’enfance. Image du père. Image de la Femme. Images de soi-même. Les descriptions de matches, de séances de sport, de fêtes de famille, de soirées dans un bar, sont autant d’occasion de raviver des souvenirs. Où il est dit que le sport aide à se construire une personnalité, dans un processus que le livre déroule en trois chapitres: Les Efforts, les Blessures, les Soins. Pour les “intellos” du muscle...
“MUSCULATURES”
de Nathalie Gassel (éditions Le Cercle)
le sujet: Une championne de bodybuilding décrit avec cynisme et violence les exigences physiques de son nouveau corps et part à la recherche d’un ou d’homme(s) capables de la suivre dans sa quête de l’extrême. Une errance nuit et jour à l’affût du moindre parfum mâle.
mon avis: Nathalie Gassel, bodybuildeuse belge, championne de boxe thailandaise, est aussi...poète. Ce livre est le manifeste d’un désir étrange et fulgurant, l’éros androgyne. Son corps, tantôt avide, tantôt errant, chasseur ou tueur, est obnubilé par l’effort physique, par l’exaltation de la puissance et de volonté de pouvoir...On l’aura compris, plus “gore”, on ne peut pas. On sort de la lecture aussi épuisé que les partenaires de l’héroïne, qu’elle soumet à des violences bestiales à la limite parfois du supportable. Et pourtant, il y a dans ces pages dédiées à la pornographie de la viande (pléonasme), une flamboyante poésie du désespoir et du désamour qui s’exprime par cette dévoration (parfois cannibale) de la masse de chair hypertrophiée. Ames sensibles (vraiment) s’abstenir.
HEUREUX LES IMBECILES
de Philippe Thirault (Collection Point, éditions du Seuil)
le sujet: Un pauvre type du Texas trouve du travail dans un centre sportif d’un genre très particulier: Grâce à certains médicaments, les éclopés du basket ou les chétifs de la course à pied retrouvent une forme inespérée. Mais les efforts secondaires sont diaboliques et peu à peu de vrais zombies envahissent les lieux pour demander des comptes au médecin avide d’expériences très particulières.
mon avis: C’est un peu “L’ile du Docteur Moreau”- version sport, et, contrairement aux apparences, pas uniquement un pamphlet sur le dopage. C’est encore pire: Une exagération monstrueuse de tout ce qu’on peut imaginer comme dérapage humain, de l’injection de produits aux découpages de membres, sans parler de clonage. Le brave Harvey se retrouve dans des vestiaires ou des labos d’épouvante, mais traverse tout cet enfer avec un détachement amusé et souvent incisif qui met de la distance avec les traitements de choc monstrueux. Un (petit) bouquin où les apprentis bouchers et les croque-morts se marreront; pour les autres, Lexomil obligatoire avant de s’endormir!
VIVRE ME TUE
de Paul Smaïl (chez Balland)
le sujet: “Beauté berbère, disait avec les yeux de l’amour Myriam”. Mais on ne me la fait pas. Et à un patron moins encore. Les pires sont les directeurs des ressources humaines: ils vous repèrent tout de suite, vous flairent comme des chiens dressés. Je ne suis pas une ressource humaine. J’ai une trop sale gueule. C’est tout vu.” Ou: les tribulations de Smaïl, jeune beur révolté par le racisme discriminatoire, entre la recherche d’un boulot, le mépris des mecs pleins de fric qui vous soufflent les meufs sous le nez, les contradictions d’une culture qui ne peine à s’adapter à la société, et les soucis sur les “conneries” de son jeune frère.
mon avis:...et il est là, le lien avec le body: C’est le jeune frère qui, entre ring de boxe et salle de muscu, est tenté par des expériences extrêmes, par la violence de la révolte et par la puissance de ses pulsions inavouées. Le roman a d’ailleurs fait l’objet d’un (superbe) court-métrage au cinéma, où l’homosexualité du jeune beur sert de révélateur à toute les différences et à tous les ostracismes. On prend ce livre comme un uppercut, progressivement emporté par l’angoisse d’un coming-out impossible dans une famille arabe. Le héros principal, lui, nous sert quelques superbes réflexions sur l’intolérance et le délit de “sale gueule”. Moralité: Qu’on ait des gros bras ou les cheveux crépus, l’enfer, c’est toujours le regard des autres.
ETRE RUGBY
d’Anne Saouter
(Collection Ethnologie de la France. Maison des Sciences de l’Homme)
le sujet: Parmi les sports collectifs, le rubgy apparaît comme l’un des plus “virils”. Il doit une bonne part de cette réputation au jeu lui-même, mais aussi au parfum de scandale qui entoure les “troisième mi-temps”. La rumeur véhicule à leur propos des légendes épiques et picaresques d’excès alimentaires, éthyliques ou sexuels qui semblent également faire partie du jeu.
mon avis: Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas là d’un roman, mais d’un essai. L’auteur (une femme!) est intarissable sur le sujet et absolument passionnante en conférence. Docteur en anthropologie sociale et ethnologie (vous êtes prévenus), elle analyse avec douceur (forcément) et lucidité tous les symboles et les non-dits de ce “sport d’hommes”. Elle décortique les processus des prémices (du match), de la pénétration (de la mêlée), de la sensualité du toucher (de balle), de la puissance (du marquage de but), de la jouissance (de la victoire) et des festivités d’après l’acte (sportif). Une lecture au laser des jeux charnels entre ces hommes tellement virils qu’on les expose sur des photos de calendrier comme des bimbos italiennes dans les cabines des camionneurs. Ce qui, finalement, les rend peut-être plus ouverts que leurs supporters...
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Dim 17 Mai 2009, 21:30 par victor
