Sur le site, je viens de lire :
« Il n'y a pas beaucoup de bons photographes pour les culturistes »
On peut dire aussi :
« Il n'y a pas beaucoup de bons culturistes pour les photographes »
Je ne fais pas de la photo-culturiste. Enfin, rarement.
Il y a des spécialistes pour ça. La « pose culturiste » reste un truc abstrait, loin de moi et puis, malgré ma relative bonne connaissance de l’anatomie, l'athlète est trop souvent déçu. Il voudrait que l'image fixe lui renvoie celle, mouvante et complaisante, des miroirs de sa salle.
Je fais de la photo avec des culturistes.
C'est-à-dire une recherche toujours renouvelée sur des corps travaillés. Chaque fois on croit avoir déjà tout dit, chaque fois, invention et créativité se renouvellent : bosses, creux, gueule, tout s’enchaîne comme dans une bonne partition musicale.
Pour en arriver là, le chemin est souvent long et semé d’embûches. Les rendez-vous manqués, les boutons, les poils mal rasés, les coupures, le ventre qui se relâche, les 10 kilos de trop.
« Oui mais tu sais, Michel, dans un mois je serai au top »
« Oui mais tu sais, mec, c’est aujourd’hui que tu poses, alors on fait quoi? »
Trop de culturistes, pourtant gros demandeurs d'images, vivent déjà le travail en studio comme un viol, alors les renvoyer pour non-préparation, serait passer pour le pire des petits cons.
Avant tout, avec les culturistes, on ne fait de bon boulot que si une vraie complicité s'établit entre celui qui est devant et celui qui est derrière la caméra. Encore une fois, je parle d'images créatives dont le centre, le prétexte est un athlète à la plastique travaillée, lourde ou définie, de corps où mes lumières accrochent chaque dentelé, se glissent entre les pecs, mettent en valeur une cuisse ciselée ou tout simplement, s’arrêtent sur des fessiers ronds et massifs.
Séance de travail.
Commencer par apprivoiser l'animal, le mettre à l'aise, le pousser à entrer dans le jeu de la création. À la limite, faut-il mettre un film dans l'appareil pour la première heure? Quand il demande « Et maintenant, qu'est-ce que je fais » ça veut dire qu'il n'est pas encore sérieusement entré dans le studio.
C'est gagné lorsque les poses s’enchaînent vite, trop vite.
Lorsque son invention dépasse la mienne.
Lorsque la fatigue se fait sentir.
Lorsque que la sueur remplace l'huile.
Lorsqu'il n'a plus envie d’arrêter.
Là, seulement, commence le bon boulot et la vraie création.
A suivre.
Image d’une série « Le condamné à mort » d’après Jean Genet
Modèle : Jean Louis Castagna